Géométries du transitoire

Je ressens dans le dessin un besoin de connecter des signes, relier des lieux et faire coexister des époques en utilisant la géométrie comme langage universel. Je cherche à entrelacer le particulier et le général et l’hybridation (voire la tension) entre le local et le global se manifeste dans mes créations. D’une forme d’homogénéité visuelle sourdent toujours quelques spécificités propres aux cultures qui m’inspirent et/ou aux lieux que je (et qui me) traverse(nt).
Les secteurs urbains – et plus précisément leurs interstices – s’offrent à moi comme une source d’inspiration intarissable. Alors mon esprit passe par un processus de discrimination : la sélection de certaines formes est concomitante de l’élimination de leur contexte initial. J’aime peindre de façon claire, par des découpes franches et des aplats de couleurs. Je procède à l’abstraction pour ôter le superflu et parvenir à ce que mon œil considère comme essentiel.
Certaines formes m’apparaissent aussi en rêves. Au réveil, je dois urgemment consigner une image avant qu’elle ne s’évanouisse dans le monde de l’oubli. J’utilise cette matière onirique supplémentaire oupour créer des œuvres indépendantes, ou bien en l’incorporant dans mes tableaux aux côtés des formes tirées de la « réalité ».
Je dessine surtout dans les transports en commun ou sur des itinéraires pédestres. le défilement du paysage est pour moi étroitement lié à la notion d’entre-deux. S’opère alors dans mes yeux (et dans mes songes) une sélection du monde entre deux points : comme un segment de vie. Or les éléments qui composent mes tableaux renvoient paradoxalement à une impression d’immobilité : comme une pause dans l’espace-temps. Des entrelacs s’y tissent, à l’image des réseaux de transports qui relient différents lieux, physiques et psychiques.
Les formes se soutiennent les unes les autres dans l’espace de la toile, et au cœur de leurs structures se logent une infinité de petits tremblements. Car pour peindre ces lignes ou ces surfaces bien délimitées je n’utilise pas de rubans de masquage, je fais usage de mon souffle. Le processus compte au moins autant pour moi que le résultat qui en découle, j’y octroie beaucoup de lenteur.
Ma respiration me permet d’éviter – et d’accepter – les tensions, frissons et autres tressaillements qui sous-tendent l’acte créatif. la réalisation d’une œuvre devient alors un véritable espace méditatif.
J’essaie de porter un regard attentif sur nos milieux de vie (de plus en plus urbanisés) et nourris une forme d’émerveillement envers toute chose car je crois que chaque banalité est déjà miraculeuse. Ce qui compte pour moi se trouve à l’intersection du visible et du non-visible et il est in fine question, dans mon travail, de modulation de l’attention.

